L’instrumentalisation de la lutte anti-terroriste contre les activistes pacifiques et la société civile en Algérie.

I. Introduction  

Le soulèvement pacifique du peuple algérien du 22 février 2019 a brisé la façade civile du pouvoir qui voulait donner au monde une image d’un régime démocratique et respectueux des libertés individuelles et collectives. Le peuple Algérien a démasqué le régime pour se retrouver face à face avec les de facto et véritables tenants du pouvoir à savoir les militaires. Face aux revendications populaires, le pouvoir algérien a choisi de les ignorer et a préféré la confrontation à l’apaisement. Dès lors, il s’est donné comme objectif de se refaire une nouvelle façade civile qui lui est totalement asservie.  Pour cela, il s’est tracé une feuille de route politique qui ignore les revendications profondes du peuple à savoir une nouvelle façon de gouverner le pays basé sur une réelle légitimité populaire et une authentique démocratie. Ainsi, les deux logiques s’affrontent frontalement, l’une celle du peuple veut un changement radical du mode de gouvernance et l’autre celle du pouvoir caractérisée par l’immobilisme politique. Les autorités Algériennes contrôle tous les services de sécurité, dès lors ils ne vont pas s’en priver de s’en servir pour réprimer cette contestation pacifique allant jusqu’à utiliser les instruments juridiques de lutte contre le terrorisme à discrétion et son corollaire la détention préventive sans se soucier du respect des droits humains. Ce rapport dénonce et rapporte les atteintes graves, flagrantes et systématiques des droits humains liées à l’usage des dispositifs juridique antiterroriste par les autorités algériennes contre la société civile et les activistes pacifiques et l’espace civique. 

II. La stratégie du pouvoir pour contrer la société civile :  la mise en place du dispositif juridique antiterroriste avec l’article 87bis (l’ordonnance n° 21-08 du 8 juin 2021 modifiant et complétant l’Ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant Code pénal)

Dans le but de contrer toute voix discordante, de vider la rue de toute contestation et manifestation pacifique et d’écarter la société civile, le pouvoir algérien a élaboré une stratégie répressive qui consiste à criminaliser toute opposition non violente. Pour cela, les autorités utilisent les services de sécurité :

  1. La police politique de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), un service de contre-espionnage transformé en police politique et d’encadrement de la société dépendante de l’armée jusqu’à la fin 2020. Depuis, ses missions ont été élargies et sont devenues une police judiciaire intervenant directement dans les affaires civiles. Sa tutelle est passée de l’armée à la présidence de la république. Ainsi, des activistes et surtout des journalistes ont été arrêtés et présentés au procureur de la république (cas du journaliste d’El Watan Noureddine Nesrouche et de Ihsan Kadi, directeur de radio M et du site internet Maghreb emergent)
  2.  Et la police judiciaire dépendante du ministère de l’Intérieur.

Ces deux polices s’occupent d’arrêter les activistes pacifiques et toutes les voies appelant à un changement démocratique pacifique, alors que la justice s’occupe à les faire condamner pour les emprisonner et/ou leur faire payer des amendes. Les policiers et les agents de la DGSI sont chargés pour leur part de l’arrestation des mis en cause, des interrogatoires et de la production d’« aveux » en suggérant des noms de complices et d’autres détails censés incriminer des détenus d’opinion. La police judiciaire s’occupe des gardes à vue et de la construction des dossiers par la fabrication de preuves qui mettent en évidence l’existence d’un « réseau terroriste » ou d’une « bande criminelle organisée ».

Le pouvoir a promulgué des lois liberticides pour mieux réprimer. Alors que le monde se confinait pendant la pandémie du nouveau coronavirus Sars-Cov2, les autorités algériennes se sont dotées d’une réforme du Code pénal dans la quasi-indifférence et l’inquiétude des observateurs des droits humains. A tour de rôle le 22 et le 23 avril 2020 l’Assemblée nationale puis le conseil de la nation algérien (sénat) ont voté avec une célérité inédite, les amendements du gouvernement pour nous dit-on “moraliser la vie publique, réaliser la sécurité et la justice sociale ». Les dispositions de cette réforme se déclinent en trois axes :  

1. L’incrimination de certains faits portant atteinte à la sécurité de l’État et à l’unité nationale ;  

2. L’incrimination de certains faits susceptibles de porter atteinte à l’ordre et à la sécurité publique ;  

3. L’incrimination de certaines pratiques déloyales.  

Devant la détermination des activistes pacifiques, le dispositif répressif précédemment cité n’a pas atteint tous ses objectifs de dissuasion fixé par les autorités algériennes alors, le chef de l’État a durci par ordonnance la législation en introduisant un dispositif antiterroriste en instaurant l’article 87 bis du Code pénal et introduit une nouvelle définition de l’acte terroriste avec un caractère large et imprécis profitant de l’absence d’une définition universellement acceptée du terrorisme. A cet égard, le chef de l’état a ignoré complètement les résolutions des Nations Unis qui souligne que la définition du terrorisme et les crimes étroitement liés doivent être accessible, formulée avec précision, non discriminatoire et non rétroactive. En outre, dans un mépris total des bonnes pratiques du droit international qui ne prend pas en compte les trois éléments cumulatifs à savoir : 

  1. Les moyens utilisés doivent être mortels ;
  2. L’intention de l’acte doit être de susciter la peur au sein de la population ou de contraindre un gouvernement ou une organisation internationale à faire ou à s’abstenir de faire quelque chose ;
  3. L’objectif doit être de promouvoir un objectif idéologique. 

Il est clair que ceux qui sont visés par ce dispositif juridique antiterroriste sont les activistes pacifiques qui contestent la légitimité de ce pouvoir et non le terrorisme. Il faudrait rappeler qu’avant la mise en place de l’article 87 bis, le pouvoir a mis en scène à travers ses médias une narration d’actes de terrorisme dans l’étonnement total du peuple qui revendique pacifiquement un changement du mode de gouvernance qu’il a démontré pendant plusieurs mois.

Le plus préoccupant c’est l’emploi de l’expression « moyens non constitutionnels » qui vise les activistes pacifiques du Hirak en raison de leur revendication pacifique pour un changement du mode de gouvernance. Le chef d’accusation « acte terroriste » est grave et passible de la peine de mort. Par ailleurs, le Code pénal prévoit l’institution d’une liste nationale des personnes et entités terroristes qui commettent l’un des actes prévus par l’article 87bis qu’une commission de classification inscrit si elle fait l’objet d’enquête préliminaire, de poursuite pénale, ou dont la culpabilité est déclarée par un jugement ou un arrêt. La décision d’inscription sur la liste nationale est publiée au journal officiel. Cette publication vaut notification des concernés, qui ont le droit de demander, leur radiation de la liste nationale, à la commission, trente (30) jours à partir de la date de publication de la décision. L’emploi de la conjonction de coordination disjonctive « ou » et non pas « et » implique que des personnes ou des entités peuvent être publiquement désignées comme terroristes en absence de jugement mené à terme. Ce qui n’a pas tardé à venir quelques semaines plus tard puisque le mouvement Rachad et le mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK) et quelques personnalités présumées en lien avec ces deux organisations comme M. Kadour Chouicha, Said Boudour et Djamila Loukil ainsi que douze (12) autres militants (es) politiques et de la société civile ont été inscrits sur cette liste (Amnesty International le 28 septembre 2021, Fronteline defenders, 7 mai 2021). En outre, il est particulièrement préoccupant que les personnes morales ou physiques concernées ne soient pas directement informées de leur inscription dans la liste nationale des personnes et entités terroristes (MENA Rights group ; 24 juin 2021). Un autre but non avoué de l’usage de l’article 87 bis n’est pas que de condamner les avocats ou les activistes pacifiques mais surtout de les neutraliser en les jetant en prison pour une durée qui peut aller jusqu’à quarante-huit mois (quatre mois puis onze fois renouvelable). Le plus préoccupant c’est qu’avant de les arrêter les activistes pacifiques visés par l’article 87 bis ne reçoivent pas un motif précis de ce qui leur sont reprochés ce qui suggère que les autorités ne se préoccupent pas du respect de la loi et des droits humains mais juste de les arrêter pour que par la suite rechercher et essayer de trouver un chef d’accusation pour justifier l’emprisonnement. La falsification du lieu de l’arrestation est aussi utilisée pour pousser le prévenu ou l’activiste vers le tribunal qui collabore étroitement et sans limite avec les services de sécurité. Ainsi, l’activiste pacifique et l’intellectuel Fodil Boumala a été arrêté le 16 septembre 2021 chez lui dans la circonscription juridique de Dar el Beida mais les services de sécurité ont falsifié son lieu d’arrestation en mettant qu’il a été arrêté au port d’Alger pour le juger au tribunal tristement célèbre pour sa lutte antiterroriste appelé aussi le pôle antiterroriste de Sidi M’Hamed ou tribunal Abane Ramdane dans le but de le faire condamner. La totalité des activistes qui passent par ce tribunal sont mis en détention préventive et condamnés. Certains activistes sont poursuivis dans le cadre de l’ordonnance n° 21-08 du 8 juin 2021 (l’article 87 bis) sans qu’il le sache ou qu’il leur soit notifié et sans qu’il soit inscrit sur la liste nationale des “terroristes” mais vont le découvrir par le biais du collectif des avocats lors d’une autre affaire d’autres activistes. Ainsi le cas de F. Boumala, qui après avoir été arrêté et emprisonné à trois reprises, voilà qu’il vient d’être poursuivi par le tribunal de Tizi Ouzou pour terrorisme (art 87bis et art.87bis alinéa 3) et mis sous contrôle judiciaire.

Un autre corollaire de l’usage de l’ordonnance n° 21-08 du 8 juin 2021 (l’article 87 bis) est de soumettre le prévenu au contrôle judiciaire ou il doit passer au commissariat ou poste de gendarmerie désigné par le tribunal chaque semaine voir deux ou plus pour signer et prouver sa présence pour l’empêcher de vaquer à ses occupations et de mener une vie normale. 

III. Conséquence de l’usage du dispositif antiterroriste sur la société civile et les activistes pacifiques 

Les activistes de la société civile sont le dernier rempart avec les avocats des collectifs de défense à faire les frais des attaques frontales par le pouvoir car c’est eux qui dénoncent les tortures, les arrestations arbitraires, les détentions préventives et tout ce qui se passe dans les coulisses des tribunaux. Toutefois, les avocats sont aussi utilisés par les autorités algériennes pour dire à la communauté internationale que le droit à une défense est garanti et respecté ainsi qu’à un procès équitable, alors qu’en réalité les procès sont une véritable parodie de justice ou la volonté des services de sécurité dictent dans la quasi majorité des cas les verdicts aux magistrats avec des dossiers souvent vide. Jusqu’à ce jour, on dénombre plus de trois cent activistes et militants pacifiques qui sont poursuivis sur la base de l’ordonnance n° 21-08 du 8 juin 2021 (l’article 87 bis). Le plus étonnant c’est que le plus haut magistrat du pays nie catégoriquement l’existence de prisonniers d’opinion, alors que son ministre de la justice minimise et a admis qu’il existe un petit nombre lors de l’examen consacré à l’Algérie au conseil des droits de l’homme de l’ONU du 11 novembre 2022 et d’ajouter que la majorité de ceux qui sont considérés comme des détenus d’opinion sont d’après lui des détenus de droit commun. D’ailleurs, ce même ministre a gardé un flou total sur la définition du terrorisme avant d’esquivé de répondre à la question sur la détention préventive lors de cette session. 

  1. L’emprisonnement des avocats, journaliste et les activistes de la société civile sur la base du dispositif juridique antiterroriste (l’article 87 bis)

L’emprisonnement des avocats maîtres Abderraouf Arslan est un tournant dangereux à l’atteinte du droit à la défense et à travers ces actes les autorités algériennes ont voulu envoyer un signal fort que nul ne va entraver leur volonté de frapper quiconque qui s’oppose à leur politique répressive. Par ailleurs, l’emprisonnement des journalistes et activistes des droits humains Hassan Bouras et Mohamed Mouloudj s’inscrit dans la volonté de museler la liberté d’expression. Pour illustrer les graves violations et les emprisonnements injustes nous décrirons quelques cas qui expliquent dans les détails l’histoire de ces prisonniers de conscience : 

  1. Cas de maître Abderraouf Arslan

Abderraouf Arslan est l’unique avocat du barreau de Tébessa (Algérie) disposé à défendre les activistes pacifiques du Hirak dont monsieur Aziz Bekakria (et d’autres détenus) face à l’appareil répressif. Il venait de se constituer avocat de monsieur Bekakria, un ancien détenu d’opinion et membre du mouvement Rachad, arrêté chez lui jeudi 20 mai 2021 par des agents de la DGSI, qui l’ont remis à la gendarmerie. Constatant que sa garde à vue se prolongeait au-delà du délai légal maximal de quatre jours, Maître Arslan s’était présenté à la brigade de gendarmerie dans le but de rencontrer son client. Il avait alors fait face à un refus catégorique, étant informé par la même occasion qu’Aziz Bekakria resterait en garde à vue douze jours, mesure exceptionnelle réservée aux affaires de grands banditisme et/ou de terrorisme, très préoccupé par l’intégrité physique de son client, l’avocat a tenu à le rencontrer. Et c’est en se rendant une seconde fois pour exiger de voir Aziz Bekakria que Me Arslan a été arrêté le 26 mai 2021 et placé en détention. Auparavant, l’avocat avait été informé que son nom était fréquemment cité lors des interrogatoires au cours desquels les agents de police et de gendarmerie le présentaient comme le chef d’un réseau au sein du Hirak de Tébessa. Me Arslan savait que son arrestation était imminente. Un dossier de terrorisme complètement fabriqué comportant une liste de noms soi-disant impliqués dans une organisation subversive a été monté de toute pièce (Algeria watch 2021).

  1. Cas du journaliste, écrivain et activiste des droits de l’homme Hassen BOURAS

Monsieur Hassen Bouras est un journaliste et membre de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADDH). Arrêté près de son domicile le 6 septembre 2021 à El Bayadh (nord-ouest, situé à 545 km d’Alger) avec perquisition de son domicile et transféré à Alger le 12 septembre 2021 et placé sous mandat de dépôt par le juge d’instruction du tribunal de Sidi M’hamed d’Alger. M.Bouras a été inculpé d’“appartenance à une organisation terroriste, apologie du terrorisme, et de complot contre la sécurité de l’État visant à changer le système de gouvernance”, il est aussi poursuivi pour “utilisation de moyens techniques et médiatiques pour enrôler des individus contre l’autorité de l’État”. Après plus d’une année en détention préventive, il a été jugé le 30 novembre 2022 par le tribunal criminel de Dar El Beida, le journaliste a été condamné à deux ans de prison dont une année avec sursis et libéré le 1 décembre 2022.

  1. Cas de l’activiste Mohad Gasmi

Monsieur Mohad Gasmi est un activiste pacifique et défenseur des droits humains connu du Hirak populaire et militant anti-gaz de schiste. Le 7 juin 2020, le défenseur des droits humains a été convoqué au poste de police d’Adrar par téléphone, pour un interrogatoire à propos de deux publications sur les réseaux sociaux. L’interrogatoire s’est déroulé en l’absence de son avocat. Dans l’une des publications, Mohad Gasmi appelait l’armée algérienne à “servir le peuple” pendant la crise du COVID-19. La deuxième publication date de 2018 et Mohad Gasmi y déclarait que l’État était responsable de la création du mouvement armé dans le sud de l’Algérie, le “Mouvement des enfants du Sud pour la justice” (MSJ), car les activités de ce mouvement étaient le résultat de la politique de marginalisation continuelle menée par le gouvernement. Le 9 juin 2020, le parquet a ordonné l’inspection de la maison du défenseur des droits humains, au cours de laquelle son ordinateur portable, son téléphone portable et une clé USB ont été saisis par la police. Le 8 juin 2020, Mohad Gasmi a été placé en garde à vue et détenu au poste de police du centre d’Adrar. Le 14 juin 2020, le parquet d’Adrar a ordonné la détention préventive de Mohad Gasmi et l’a accusé d'”apologie du terrorisme” (article 87bis). Pendant la crise du COVID-19, plusieurs défenseur-ses des droits humains ont été soumis à une détention arbitraire par les autorités algériennes. Le 17 octobre 2021, la Cour d’assise d’Adrar a condamné le défenseur des droits humains Mohad Gasmi à 5 ans de prison. La condamnation a été prononcée quelques jours après son audience du 13 octobre 2021, lors de laquelle la Cour d’assise a demandé un supplément d’informations sur l’affaire et a décidé de poursuivre l’enquête et de recueillir plus de détails avant de prononcer un verdict. On s’attendait à ce que le procès de Mohad Gasmi soit reporté jusqu’à la conclusion de l’enquête.

  1. Cas Zaki Hannache

Zaki Hannache est un défenseur des droits humains qui documente les violations des droits humains en Algérie sur sa page Facebook. Lors de l’essor du mouvement Hirak en 2019, Zaki Hannache a commencé à recenser, vérifier et documenter les cas d’arrestations de personnes ayant participé aux manifestations. Zaki Hannache travaille également pour documenter et défendre les droits et la libération des activistes des droits humains condamnés à des peines de prison.

Le 18 février 2022, Zaki Hannache a été arrêté vers 16 h par quatre agents en civil à son domicile de Cherarba, à Alger. Son domicile a été fouillé et son téléphone a été confisqué par les officiers. Le défenseur a été placé en détention préventive. Le 24 février 2022, Zaki Hannache a comparu devant un juge d’instruction et a été inculpé de plusieurs chefs d’accusation, y compris d’ « apologie du terrorisme » et d’avoir « reçu des fonds d’une institution à l’intérieur ou à l’extérieur du pays » et de « saper la sécurité de l’État ». S’il est reconnu coupable, il pourrait encourir de 35 ans d’emprisonnement à la prison perpétuité ou la peine de mort.

  1. Cas Mahfoud Bedrouni, Boualem Boudissa et Abderrahim Guerna

Le vice-président de l’association nationale de lutte contre la corruption (ANLCC), Mahfoud Bedrouni, a été arrêté le 7 septembre 2022 par des agents de la brigade de recherche et d’investigation (BRI), à Ain Benian dans la wilaya d’Alger, où son domicile avait également été perquisitionné, transféré ce jeudi 8 septembre 2022, vers la wilaya de M’sila, Son arrestation est survenu après l’arrestation de M. Guerna, professeur d’informatique à l’université de M’sila, arrêté le 3 septembre 2022 à M’Sila et M. Boudissa, ingénieur et activiste du Hirak,  arrêté le 6 septembre 2022 à Alger, transféré à M’sila. Tous les trois ont subi une perquisition de leur domicile. Leurs arrestations sont survenues après qu’un autre activiste a été arrêté et son téléphone a été fouillé ou le nom de M. Guerna figurait parmi la liste de ses contacts. La perquisition du domicile de M. Guerna a permis de trouver un document dans son ordinateur d’un rapport d’une réunion survenue le 24 août 2022 ou le nom de plusieurs activistes du Hirak de la diaspora et ceux résidant en Algérie dont M. Guerna et Boudissa figuraient. Dans ce rapport on peut lire qu’il s’agit d’une discussion par zoom de la dissolution d’une commission de préparation d’une réunion dont SHOAA a obtenu une copie.  Ce document ne montre aucun élément compromettant qui permet d’incriminer messieurs Guerna, Bedrouni et Boudissa et encore moins de les emprisonnés étant donné que le droit d’association et de réunion pacifique est reconnu par la constitution algérienne et le pacte international relatif aux droits civiques et politiques que l’Algérie a ratifié. Tous ont été inculpés d’après l’ordonnance n° 21-08 du 8 juin 2021 (l’article 87 bis) d’après le collectif des avocats de défense. L’arrestation de ces trois personnes montre qu’avec les autorités algériennes rien n’est garanti, même pas le droit d’association et de réunion pacifique et que l’abus de la détention provisoire va se pérenniser.

B. La torture des activistes pacifiques de la société civile sur la base du dispositif juridique antiterroriste 

  1. Cas Walid Nekiche 

Monsieur Walid Nekiche est un jeune de vingt-cinq ans, étudiant en troisième année à l’Institut national supérieur de pêche et d’aquaculture d’Alger, retrouve vers dix heures le mardi 26 novembre 2019 d’autres jeunes pour commencer une marche pacifiquue dans le cadre du Hirak des étudiants. Un policier en civil lui demande de lui remettre son smartphone. Il s’exécute et le policier vérifie son contenu et le lui remet. Quelques instants plus tard, le même policier revient vers lui et lui redemande de lui remettre de nouveau son téléphone et cette fois-ci il vérifie ses contacts sur l’application WhatsApp. 

Monsieur Nekiche est conduit au commissariat de la Casbah, puis à celui de Bab el Oued avant de le transférer dans un endroit inconnu que plus tard il apprendra qu’il s’agissait de la tristement célèbre caserne Antar. Dans son sac à dos, les policiers mettent la main sur son journal intime et les services de sécurité s’intéressent à la page Facebook de son village animé par la section locale du mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK) qui quelques mois plus tard sera classé organisation terroriste.  Pendant sept jours, il est interrogé et torturé dans les deux commissariats et dans la caserne Antar. Au centre de ces interrogations, les relations entre M. Nekiche et son ami José, un attaché de l’ambassade espagnole à Alger. Une semaine plus tard, il est incarcéré à la prison d’El Harrach. Depuis son arrestation jusqu’à son emprisonnement, il n’a pas été autorisé à passer un seul coup de téléphone à sa famille qui le chercher avec ses amis. Quatre mois de mandat de dépôt soit en mars 2020, M. Nekiche passe devant le juge d’instruction ou il lui fait part des tortures et des abus sexuels qu’il a subi mais le juge ne donne aucune suite. Son dossier est vide mais les chefs d’accusations sont graves dont “atteinte à la sécurité et l’unité nationale”, “distribution et possession de tracts pour porter atteinte à l’intérêt du pays”, “participation à un complot pour inciter les citoyens à prendre les armes contre l’autorité de l’Etat et organisation d’une manière secrète de communications à distance dans le but de porter atteinte à la sécurité nationale” (A. Said, jeune Afrique 5 février 2021). Tous ces chefs d’accusation font partie de la loi antiterroriste. Le procès a lieu le 1er février 2021, a duré quinze heures et le procureur a requis la perpétuité. Durant sa déposition, le jeune homme a fait état, encore une fois, du viol et des tortures qu’il a subies. Vers une heure du matin, le verdict est tombé : 6 mois de prison ferme et 20 000 dinars d’amende. Il a passé quinze mois en détention provisoire avant d’être enfin libéré. Une de ses avocates, Maître Rezazgui, a déclaré que la justice aurait dû s’autosaisir suite à ses révélations mais malheureusement, elle ne l’a pas fait. Le procureur général a été saisi et une plainte a été déposée mais hélas, elle est restée sans suite jusqu’à ce jour.

  1. Cas Sami Dernouni

Monsieur Sami Dernouni est âgé de trente-huit ans, chômeur et père de trois enfants. Il a survécu à un grave accident de la route ou il a perdu deux cotes et subi de graves brûlures à la main. Il a été interpellé le 2 décembre 2020 vers 14 heures à son appartement situé à Tipaza, par des éléments en civils relevant probablement de la Direction générale de la sécurité intérieure relevant du ministère de la Défense nationale (DGSI de Tipaza). Ces individus armés de fusils d’assaut ont fouillé l’appartement de fond en comble, laissant un grand désordre derrière eux. Conduit d’abord à l’unité de la DGSI de Tipaza, Sami Dernouni a été interrogé durant deux heures sur ses liens avec des militants du Hirak ainsi que sur son activité dans les réseaux sociaux.  Par la suite, il a été transféré au CTRI de Blida (principal centre de la police politique dans la première région militaire, fameux lieu de tortures et de disparitions forcées pendant les années 1990), où il est resté vingt-quatre heures. Il a subi la première agression physique durant son interrogatoire : il a été battu à coups de chaise en fer et a reçu deux décharges de Taser (pistolet à impulsions électriques) à la jambe et au cou. Le 3 décembre 2020, Sami Dernouni a été transféré au Centre principal des opérations (CPO), le « Centre Antar », autre caserne de sinistre réputation relevant de la DGSI, localisée à Ben-Aknoun, où il a subi durant quatre jours des tortures physiques et psychologiques. Dès son arrivée, il a été accueilli par plusieurs agents de la DGSI qui l’ont battu, lui ont craché dessus et insulté de manière indécente et violente. Monsieur Dernouni a subi la torture par l’eau qui consiste à lui faire porter un pull en laine mouillé alors qu’il était ligoté et lui ont fait passer la nuit à l’extérieur ou les températures étaient glaciale à Alger durant cette période de l’année. Ensuite, il a encore subi des décharges de Taser durant la première et la deuxième journée de torture. Cette exposition prolongée aux impulsions électriques a causé une arythmie cardiaque dont il porte encore les séquelles. Durant la troisième journée, M. Dernouni a été attaché par les pieds et les mains aux barreaux de sa cellule durant plus de huit heures. Il a été ainsi battu sans arrêt, jusqu’à en perdre connaissance. Le 6 décembre 2020, M. Dernouni a quitté la salle de torture pour une salle d’interrogatoire. Pendant plusieurs heures, les agents ont alors tenté, sans succès, de lui extorquer des aveux ou de l’amener à faire des déclarations compromettantes. Reconduit au CTRI de Blida le 7 décembre 2020, il a été auditionné le même jour par le juge d’instruction à la cour de Tipaza. Jugé le 9 mars 2021, il a été condamné à deux ans de prison pour « incitation à attroupement », « atteinte à l’unité nationale » et « atteinte à la sécurité nationale ». À l’issue de son procès, Sami Dernouni a été placé en détention à la prison de Koléa, où il fait face depuis à de nombreuses pressions et provocations ainsi qu’à des tentatives de soudoiement de la part de la police politique (Algeria-Watch, 7 avril 2021).

  1. Cas Mohamed Abdellah

Mohamed Abdellah, Ancien sergent de la gendarmerie nationale affecté à la surveillance aérienne de la frontière Est de l’Algérie. Il a mis à jour la corruption systémique au sein de l’institution militaire algérienne. Témoin d’activités massives de contrebandes aux frontières qu’il a signalé à son supérieur hiérarchique, ce dernier lui a ordonné de se taire en le menaçant de sanctions s’il continuait à évoquer ces activités illégales. M. Abdellah devait découvrir que ces opérations de contrebande massives, y compris des trafics de drogue, étaient largement couvertes par ses supérieurs militaires et par les autorités civiles de la région au plus haut niveau de la hiérarchie. Devant les menaces qui le guettaient, il prend le chemin de l’exil et il demande l’asile politique en Espagne et obtient un droit de résidence temporaire, le 25 avril 2019, renouvelable jusqu’à ce qu’il soit statué sur sa demande. Depuis l’Espagne, il poursuit ses activités sur les réseaux sociaux et continué à dénoncer à visage découvert la corruption des autorités militaires. Il a fait l’objet d’attaques médiatiques par la presse pro-gouvernementale algérienne sous prétexte de porter préjudice à la sécurité et à la stabilité du pays et à la réputation de l’armée. Il a ainsi été victime d’agression physique à Alicante, ce pourquoi il a dû déménager et changer de région pour mettre sa famille en sécurité. Le 14 mai 2019, M. Abdellah a été condamné par contumace à 20 ans de prison par le tribunal militaire de Blida sous prétexte, entre autres, d’atteinte à la sécurité de l’État et à la réputation de l’armée. Les autorités algériennes ont alors émis une demande d’arrêt international contre lui et plusieurs activistes politiques en Europe. C’est ainsi que le 11 août 2021, celui-ci a été arrêté au poste de police de Vitoria où il s’était rendu pour informer les autorités d’un changement d’adresse. Une décision d’extradition vers l’Algérie a été émise et ses avocats ont recouru contre celle-ci. Le 21 août 2021, alors même qu’un second recours en référé administratif était engagé devant la juridiction administrative de Madrid, M. Abdellah a été expulsé par bateau et remis aux autorités algériennes. Livré dès son arrivée aux services de sécurité algériens, M. Abdellah a directement été emmené́ à la caserne « Antar » (Alger) tristement célèbre pour être un centre de torture appartenant aux services de renseignement où il a subi de graves sévices. Après plusieurs jours de détention au secret, il a d’abord été placé en détention à la prison d’El Harrach, à Alger, le 23 août 2021, sous l’accusation d’avoir entretenu des liens avec l’organisation Rachad, classée dans la liste des organisations terroristes. M. Abdellah a été déféré́ le 2 janvier 2022, devant le tribunal de Bir-Mourad-Rais (Alger). Au cours de l’audience, il a déclaré publiquement devant le tribunal qu’il a subi des tortures en détention et que les autorités pénitentiaires lui infligeaient toutes sortes de sévices et des traitements dégradants d’une façon régulière. Il a précisé que les gardiens le faisaient sortir de sa cellule, totalement nu, l’humiliaient et le battaient. Le juge s’est contenté de lui répondre que cela « ne le concernait pas vu qu’il est détenu dans une institution militaire » avant de renvoyer l’audience au 23 janvier 2022.  Actuellement M. Abdellah fait face à une longue liste de poursuites fabriquées directement par les services de sécurité.

  1. Cas Mohamed Azouz Benhalima

Mohamed Azouz Benhalima, 32 ans, caporal de l’armée algérienne, est un lanceur d’alerte et activiste pacifique du Hirak dès 2019. Il avait fui l’Algérie en septembre 2019 après avoir pris part au Hirak, le mouvement de contestation anti-régime. Arrivé en Espagne, il y avait déposé une demande d’asile. Un mandat d’arrêt international à son encontre avait été émis par l’Algérie. Il. a été condamné par contumace à dix ans de prison, a été arrêté en Espagne et fait face à une procédure d’expulsion.  Selon l’avocat de M. Benhalima, Me Gomez Cuadrado, la police espagnole a motivé sa procédure d’expulsion par des accusations d’ « activités contraires à la sécurité nationale ou qui pourraient compromettre les relations de l’Espagne avec d’autres pays ».

Depuis sa scandaleuse expulsion d’Espagne le 24 mars 2022, Mohamed Azouz Benhalima subit tortures, brimades et humiliations de la part de ses geôliers. Le dernier abus à son encontre est emblématique des pires régimes policiers : Mohamed Benhalima a été contraint de faire des aveux face aux caméras de la télévision publique. Cette mise en scène indigne restera dans les annales déjà fournies des atteintes au droit et à la morale de la part du régime d’Alger. Dès son arrivée en Algérie, Benhalima a été déjà obligé de lire, sous une trop évidente contrainte, un texte préparé par le DRS, la police politique, devant les caméras de la télévision publique. D’abord conduit au commissariat de Cavaignac (Alger), il est ensuite rapidement transféré au Service central de lutte contre le crime organisé de Saoula (Alger). Dans ce centre de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), il est torturé, déshabillé et subit des attouchements sexuels. C’est dans ces locaux qu’il sera filmé à son insu pour produire les premiers aveux.

Par la suite, vers le 8 avril, il sera transféré à la prison d’El-Harrach avant de disparaître le 28 avril 2022. Pendant une dizaine de jours, ses proches et ses avocats n’ont aucune nouvelle de lui ; son lieu de détention est tenu secret. Il n’est pas impossible que Mohamed Benhalima ait séjourné dans un des multiples centres de tortures de la police secrète du régime. Détenu à la prison militaire de Blida le 8 mai 2022, il y est placé en isolement et n’a droit depuis lors jusqu’à ce jour qu’à dix minutes quotidiennes de sortie. Toutes les visites qui lui sont accordées se font sous haute surveillance en présence d’au moins deux soldats. Le 19 juin 2022, lors de son procès devant la cour de Koléa, il déclare avoir été torturé et n’avoir reçu aucune visite médicale alors qu’il en avait fait la demande au juge d’instruction (Algeria-Watch, 27 juin 2022).

Ces cas illustrent très bien comment les autorités algériennes considèrent les activistes pacifiques et les lanceurs d’alerte comme des terroristes et les traitent comme tels alors que leurs activités sont pacifiques. Ces cas constituent la tête de l’iceberg des pratiques des services de sécurités algériens et rendu possible grâce au courage de ces hommes qui ont osé parler alors que la grande majorité qui ont été torturés ont préféré le silence. Le but des autorités algériennes n’est pas de lutter contre le terrorisme mais d’utiliser le terrorisme pour neutraliser toute voix discordante pacifique. Les traitements qu’ils réservent aux activistes à lui seul traduit la considération que le pouvoir algérien a pour eux et il les voit comme des ennemies mais pas comme des citoyens à part entière au mépris de sa propre constitution et des traités  qu’il a signé et ratifié tel que par exemple la déclaration universelle des droits de l’homme (article 5), le  pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 7) et la Convention contre la torture (article 12 & 13), ratifiées par l’Algérie le 12 septembre 1989, et faisant obligation aux États d’enquêter sur toutes les allégations de torture. L’ordonnance n° 21-08 du 8 juin 2021 modifiant et complétant l’Ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant Code pénal que le conseil de sécurité algérien a mis en place et que le chef de l’état algérien a signé, est juste venu pour durcir le cadre légal pour couvrir les pratiques (tortures, sévices sexuels, maltraitances…) des services de sécurité sur le terrain qui sont courantes et connues de longue date mais ceux sont accentuées depuis le début du Hirak soit le 22 février 2019. Le silence de la communauté internationale n’a malheureusement fait que pérenniser ces pratiques moyenâgeuses de l’administration algérienne et sont perçus par elle comme un encouragement puisqu’aucune enquête indépendante n’a été diligentée ; ou une condamnation n’a été prononcée contre elle par une quelconque instance onusienne ou des gouvernements. Le pouvoir algérien est incontestablement la source et à l’exclusivité de la violence et il est temps que la communauté internationale prenne ses responsabilités pour mettre fin à ces graves violations des droits humains.

C. Pour éviter l’emprisonnement, le choix de l’exil des avocats et des activistes de la société civile

Les autorités algériennes se sont heurtées à la volonté des avocats des droits humains qui défendent les activistes pacifiques, sont soit emprisonnés ou poursuivis. Dès lors, les autorités algériennes ont vite compris que ceux qui entravent leur volonté sont les avocats, ce qui les a poussés à s’attaquer à eux. Certains avocats et activistes de la société civile ont compris que l’exil est leur seule voie de salut par crainte d’être poursuivi sur la base de l’article 87bis, de devoir être frappé par l’interdiction de sortir du territoire national et d’être mis sous contrôle judiciaire. Ainsi, l’exemple de maître Salah Debouz est édifiant. Cet avocat et défenseur des droits humains a subi des harcèlements, des menaces, des agressions physiques, des détentions et des poursuites judiciaires arbitraires pour en faire un exemple pour les autres avocats et leur montrer ce qui les attend s’ils persistent à défendre les activistes pacifiques. D’autres avocats et activistes des droits humains ont commencé à voir venir les mêmes séquences (intimidation, menaces, …) de la part des services de sécurité, ce qui a poussé maître Issa Rahmoune et l’activiste Said Salhi, emblématique vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) vers l’exil.

D. Interdiction de sortie du territoire national (ISTN) visant les activistes de la société civile 

Les autorités algériennes ont imposé des interdictions arbitraires de sortie du territoire national (communément désigné par les abréviations ISTN) que ce soit des personnes résidant en Algérie ou des expatriés vivant à l’étranger lors de leur retour au pays sur la base de l’Ordonnance n° 21-08. Deux listes sont transmises aux services de la police des frontières :

  1. La première est établie par la justice (procureur de la république, juge d’instruction et chambre d’accusation). Le nombre d’interdictions parmi les activistes pacifiques est en constante augmentation et en dénombre plus de cent soixante jusqu’au mois d’octobre 2022. Depuis décembre 2022, toutes les convocations de la police judiciaire exigent des militants de se présenter munis de leurs passeports qui leurs sont immédiatement confisqués.
  2. Le deuxième est une liste extrajudiciaire ou liste noire. Elle est établie par les services de sécurité de la police politique et elle concerne tous les activistes pacifiques que ce soit ceux résidant en Algérie ou à l’étranger. En outre, elle vise des avocats et des défenseurs des droits humains et on dénombre vingt jusqu’à la rédaction de ce rapport dont des membres du collectif de défense des détenus d’opinion.  Nous citerons maître Noureddine Ahmine, maître Leila Boughrara, maître Mohamed Halla, et d’autres.

Le plus remarquable c’est que ceux qui figure dans seconde liste (liste noire), aucune de ces personnes n’est au courant de cette interdiction jusqu’au jour où la personne décide de voyager à l’étranger pour les résidents en Algérie ou lors du retour pour ceux qui réside à l’étranger et ce n’est qu’à leur arrivé aux postes frontières que les policiers leur signifie qu’elles sont frappées d’une interdictions de quitter le territoire Algérien alors qu’elle n’ont aucune poursuite judiciaire connue. Que ce soit des avocats ou des activistes qui chargent leurs avocats pour savoir qui a émis ces interdictions et sur quelle base, ils ne trouvent aucune trace écrite ou de responsable à l’origine de cette décision. L’ordre est verbal et l’exécution l’est d’autant. Ainsi, au moins trois militant·e·s de la diaspora algérienne, Lazhar Zouaimia, Hadjira Belkacem et troisième personne qui a voulu garder l’anonymat ont été frappés de cette interdiction (Amnesty International et Human Rights Watch ; 6 mai 2022). 

E. Même les caricaturistes n’échappe pas aux condamnations pour terrorisme

Monsieur Ghilas Aïnouche, caricaturiste, trente-quatre ans, a été condamné pour dix ans de prison ferme par contumace pour ses caricatures par le tribunal de Sidi Aïch (Bejaia) le 30 novembre 2022. D’ailleurs, les autorités algériennes ont émis un mandat d’arrêt international contre lui puisque monsieur Aïnouche vit en France depuis 2020. Il n’avait aucune intention de quitter l’Algérie mais ses amis l’ont convaincu et conseillé de quitter l’Algérie avant qu’il ne soit frappé par une interdiction de sortir du territoire national (ISTN). Devant les persécutions auxquelles il a fait face, monsieur Aïnouche a demandé l’asile politique en France. C’est vraiment une première mondiale qu’un caricaturiste soit condamné pour terrorisme. Ainsi donc un caricaturiste qui refuse de renoncer à sa liberté de dessiner les représentants du régime est un terroriste d’après les autorités algériennes. Avec l’administration algérienne tout est possible même le crayon devient une arme mortelle (Le matin d’Algérie 30.11.2022). 

IV. Violations des traités internationaux par les autorités Algériennes en toute impunité

L’Algérie a signé des traités internationaux tels que la déclaration universelle des droits de l’homme (adhésion de l’Algérie par l’article 11 de la constitution de 1963), le  pacte international relatif aux droits civils et politiques le 12 décembre 1989 et la Convention contre la torture, ratifiées par l’Algérie le 12 septembre 1989,  En signant de tels traités l’Algérie s’est engagé à les respecter mais la réalité sur le terrain indique le contraire et des graves violations sont commises. Les organisations des droits de l’homme (Amnesty international, Human rights watch, Algeria watch, Euromed, …) y compris la nôtre SHOAA,  n’arrêtent pas de dénoncer les pratiques des autorités algériennes surtout depuis le début du Hirak soit le 22 février 2019 avec la répression qui s’est abattu sur les activistes pacifiques avec des milliers qui sont poursuivis et des centaines qui sont jetés en prison. Il incombe à la communauté internationale de montrer la solidarité qui s’impose pour protéger et soutenir les revendications légitimes d’un peuple qui est sorti pacifiquement pour demander un changement de mode de gouvernance. Si cette solidarité vient à manquer, la crainte est de voir le désespoir s’installer et la déception risque d’envahir l’esprit de toute activiste pacifique qui va ébranler sa foi dans les revendications pacifiques et la révolte s’installer pour emporter tout sur son chemin. 

Il est important d’enjoindre les autorités algériennes pour annuler l’ordonnance n° 21-08 du 8 juin 2021 modifiant et complétant l’Ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant Code pénal. D’utiliser les normes internationales de la définition du terrorisme et de préciser exactement ce qui est reprocher au prévenu. Arrêter d’utiliser la détention préventive constamment et de l’encadrer en retirant ce pouvoir à un seul juge mais de la laisser à un collège de juge pour décider et de punir les juges qui abusent de son utilisation. D’enquêter sur les accusations graves de torture et de punir les responsables quelques soit les motifs invoqués de terrorismes ou autre. Arrêter d’utiliser l’interdiction de sortir du territoire en absence de poursuite judiciaire avec des chefs d’accusation sérieux et grave que ce soit pour la diaspora ou les algériens.nes vivant en Algérie

Le problème avec les autorités algériennes c’est qu’elles ne respectent pas les traités qu’elles ont signés et leurs donner des recommandations ne change en rien à la situation des violations des droits de l’homme sur le terrain et donne plus de temps à cette administration pour continuer à réprimer. D’ailleurs, la réponse préliminaire du gouvernement algérien à la communication conjointe OL/DZA12/21 du 27 décembre 2021 à la suite de l’interpellation des rapporteurs de l’ONU du chef de l’État algérien sur la question de l’ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant Code pénal, a montré le manque de volonté d’aller vers l’apaisement et son ministre de la justice est venu le confirmer lors de l’examen consacré à l’Algérie au conseil des droits de l’homme de l’ONU du 11 novembre 2022 et la réponse finale du gouvernement algérien se fait toujours attendre après presque une année. Dès lors, il faudrait proposer une solution plus appropriée et plus productive qui serait en mesure d’infléchir cette intransigeance et respecter leurs engagements envers les Algériens et la communauté internationale. 

Références

Journal officiel n° 45 du 9 juin 2021. Ordonnance n° 21-08 du 27 Chaoual 1442 correspondant au 8 juin 2021 modifiant et complétant l’ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant code pénal.

https://www.ilo.org/dyn/natlex/docs/ELECTRONIC/112063/139845/F285311733/DZA-112063.pdf

Algeria-Watch, 28 mai 2021. Exactions et tortures au temps du Hirak algérien : le cas de l’avocat Raouf Arslan et de son client Aziz Bekakria. https://algeria-watch.org/?p=77870

Human rights watch. 6 mai 2022. Algérie : Il faut lever les interdictions de voyager visant des militant·e·s de la diaspora

https://www.hrw.org/fr/news/2022/05/06/algerie-il-faut-lever-les-interdictions-de-voyager-visant-des-militantes-de-la

Arezki. Said, jeuneafrique 5 février 2021.Algérie : le récit exclusif de l’arrestation et de la détention de Walid Nekiche. https://www.jeuneafrique.com/1116865/politique/algerie-le-recit-exclusif-de-walid-nekiche-etudiant-et-ex-detenu-a-el-harrach/

SAMIR OULD ALI. Liberte. 19 Octobre 2021. Mohad Gasmi, l’homme qui a dit “non” au gaz de schiste

https://www.liberte-algerie.com/actualite/mohad-gasmi-l-homme-qui-a-dit-non-au-gaz-de-schiste-366898

Algeria-Watch, 7 avril 2021. La torture au temps du Hirak : le cas Sami Dernouni (libéré le 7 décembre 2021) https://algeria-watch.org/?p=77077

Le matin d’Algérie. 30.11.2022. Le caricaturiste Aïnouche condamné à 10 ans de prison.

Algeria-Watch, 27 juin 2022. Alerte Algérie : le prisonnier d’opinion Mohamed Azouz Benhalima est en danger

Mustapha Kessous et Madjid Zerrouky. Novembre 12, 2022. En Algérie, la valise ou la prison pour les défenseurs des droits.

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